Club des collectionneurs en Arts Visuels de Québec

Passion privée réunit 96 oeuvres acquises par l’homme d’affaires et mécène Pierre Lassonde….

RICHARD BOISVERT
Le Soleil
(Québec). Passion privée réunit 96 oeuvres acquises par l’homme d’affaires et mécène Pierre Lassonde depuis une quarantaine d’années. L’exposition donne au visiteur l’occasion unique de se glisser dans la peau d’un grand collectionneur, de se laisser envahir comme lui par l’émotion, de partager ses coups de coeur.

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L’exposition qui vient d’ouvrir ses portes au Musée national des beaux-arts du Québec offre un survol spectaculaire de l’histoire de l’art québécois de la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’au début des années 70. Elle réunit des toiles qu’on n’a que rarement l’occasion d’admirer, réalisées par des peintres majeurs tels James Wilson Morrice, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté, Clarence Gagnon, Marc-Aurèle Fortin, Paul-Émile Borduas, Jean-Paul Riopelle, Jean McEwen.En tout, 35 artistes sont représentés.

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Les Masques de Jean Paul Lemieux. (LeSoleil,Caroline Grégoire)

C’est le musée qui s’est adapté à la collection de Pierre Lassonde et non l’inverse. Pour y arriver, on a recréé à l’intérieur des deux grandes salles 5 et 6 de plus petits lieux évoquant les pièces d’une résidence. Vestibule, salle à manger, corridor, alcôve, salon. Pour parfaire l’illusion, on a ajouté ici et là des lampes, des tables, des chaises, des fauteuils, des divans, et on a appliqué sur certains murs des motifs épurés rappelant ceux de la tapisserie.

Afin de coller encore plus aux goûts du collectionneur, les oeuvres ont été réunies non en suivant un ordre chronologique, mais en s’inspirant d’une parenté de thèmes, de couleurs et de formats, toutes époques et tous styles confondus.

Ainsi, les natures mortes de Jauran, de Stanley Cosgrove et de Jean Dallaire sont accrochées comme il se doit dans la salle à dîner, juste à côté de celles de Suzor-Côté.

C’est dans un petit cabinet assez discret – on peut facilement le manquer – qu’on découvre le remarquable Paysage au crépuscule d’Ozias Leduc, un des préférés de Pierre Lassonde.

Caractéristiques inattendues

La mise en relation d’oeuvres qui n’ont entre elles aucun lien historique fait par ailleurs ressortir des caractéristiques communes inattendues ou rarement soulignées. Comme l’explique la conservatrice et commissaire de l’exposition, Anne-Marie Bouchard, «la juxtaposition de La clairière de Clarence Gagnon et de Sous-bois II de Jean-Paul Riopelle permet de rapprocher deux « traditions » picturales, deux peintres qui ont passé l’essentiel de leur vie à Paris, et qui, tout en vivant au coeur de l’attraction urbaine, demeuraient complètement obnubilés par la nature québécoise.»

Un autre agencement d’artistes qui n’ont à première vue rien en commun mais qui donne lieu à une rencontre visuelle très intéressante est celui de Peinture de Jean McEwen, un des grands expérimentateurs de la matière picturale dans les années 50 et 60, et du Contentement ou Le vieux rentier de Suzor-Côté, un autre expérimentateur étonnant. «Suzor-Côté travaille son tableau en à-plat, un peu comme le fait Jean McEwen, note Mme Bouchard. Le travail sur les végétaux ressort de la même façon, avec les mêmes teintes, les mêmes couches de peinture superposées. Ce duo-là permet de faire une nouvelle réflexion sur la manière de voir l’histoire de l’art et de tendre des liens entre les artistes.»

La juxtaposition des Appalaches à Arthabaska et de Scène de neige, deux toiles de Suzor-Côté représentant le même paysage, mais peintes selon deux techniques complètement différentes et à deux ans d’intervalle, est elle aussi très révélatrice. On comprend tout à coup que le but premier de l’artiste n’est pas de représenter un paysage, mais d’inviter le spectateur à vivre une expérience visuelle unique.

Point culminant

Le point culminant de l’exposition se trouve assurément au salon aménagé au centre de la deuxième salle autour du thème de l’hiver. Là sont accrochés «à l’européenne» les paysages enneigés des Clarence Gagnon, Albert Henry Robinson, Robert Pilot, Cornelius Krieghoff, Peter Clapham Sheppard, James Wilson Morrice et autre Kathleen Moir Morris.

Ici encore, on découvre une parenté picturale, celle qui unit le grand Jardin de givre de Jean McEwen au plus petit Montréal en hiver de Helen McNicoll, et qui permet aux deux tableaux de cohabiter harmonieusement sur un autre des murs du salon.

Une démarche cohérente

Collectionner, pour Pierre Lassonde, est la passion d’une vie. Au-delà de l’émotion, on trouve toutefois dans sa démarche une cohésion certaine. «Après une dizaine d’années, je me suis dit que si j’accumulais une collection, il fallait qu’il y ait un sens, une direction. Il fallait que cette collection soit significative», fait valoir l’homme d’affaires originaire de Saint-Hyacinthe.

Sa collection s’est bâtie autour de deux mouvements tournants de l’histoire de la peinture, les impressionnistes et l’après-guerre. Si Pierre Lassonde a jeté son dévolu sur des artistes québécois (95% des oeuvres de sa collection sont du Québec), c’est strictement une affaire de goût, assure-t-il.

Les règles à suivre pour un collectionneur sont relativement simples. Chaque tableau doit être acquis par amour et chacun doit occuper une place importante dans l’histoire de l’art. Suivant ces deux principes, Pierre Lassonde a fini par posséder l’une des plus importantes collections privées consacrées à l’art moderne québécois. Celle-ci compte à ce jour plus de 400 oeuvres accumulées sur une période d’environ 40 ans. Toutes ces années, rappelle-t-il, il a pu compter sur «l’aide précieuse de Jean-Pierre Valentin, un galeriste hors pair.  C’est une complicité qui doit durer toute une vie.»  

L’exposition Passion privée est présentée au MNBAQ jusqu’au 23 mai.

 

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